JIMMY HENDRIX - EXPERIMENTED
J'ai organisé des raves parties avec mes potes de 3M au cours des années 90. Activité de rêve pour un étudiant. Nous étions passionnés par la musique, la danse, les teufs, les flyers, la nuit. Tout ça c'est loin, alors avant de tout oublier, voici mes souvenirs, mes propres dessins, ma collection de flyers, mes anecdotes, peut-être des recettes de cuisine... :)
mercredi 22 avril 2015
mercredi 15 avril 2015
5 1991 1998 RAVES PARTIES
A Londres, des teufs il y en a plein, des
magasins de skeuds aussi, genre Black Market, Unity, Rough Trade à
Soho. Le break beat, c'est une surprise; un rythme ternaire très lourd,
une autre façon de danser pour nous qui sommes habitués au rythme
binaire. Les MC's, les masters of ceremony autre
surprise, ça aussi on ne connait pas chez nous. On aurait plutôt
tendance à les huer. Ils toastent, ils parlent quoi, ce n'est pas
vraiment du rap, et ce n'est pas de la chanson non plus. Ils encouragent
la foule à lever les mains, à taper dans les mains, chez nous ça ferait
blaireau, mais là ça marche. Ils faut dire que les anglais sont de
grands malades, niveau énergie dépenser sur le dance floor on n'avait
encore jamais vu ça. Leur danse est entre le pogo et le jogging. Leurs
habits sont entre le punk et le jogging, leur attitude est entre la
bagarre et le jogging. Londres est une ville sportive !
De Londres je connaissais ce que l'on
peut y faire quand on vient en voyage touristique d'ado. Déjà ça c'est
chouette et dépaysant. Mais là on a laissé tomber les musées et autres
circuits touristiques.
Le
premier monument que l'on voulu visité c'est Battersea Power. La
fameuse usine de la pochette du disque Animals de Pink Floyd . Quatre
énormes et magnifiques cheminées couronnent les toits de Londres. Les
usines sont vraiment dans l'air du temps, car la techno se réfère
souvent aux machines, aux engrenages, à la crise industrielles. Depuis
gosses, on a toujours aimé visiter les usines désaffectées du quartier.
Ces lieux énormes, détruits et vides sont des terrains de jeux hors du
monde où l'imaginaire se déploie.
Mais on ne s'imaginait encore y faire la fête. A Battersea il y a eu
des teufs, on y voit les restes des graphs ou des panneaux indiquant la
direction du bar. On est tout de même fort surpris parce qu'il n'y a pas
de toit à ce bâtiment, et le sol est boueux, déception. On va ensuite
dans les docks faire le plein d'architecture indus crasseuse et
rouillée, on est ravis et surexcités par la nuit qui s'approche.
A
Londres on fait la fête dans les usines, mais on n'a pas été foutus
d'en trouver une. Par contre on est tombé sur une affiche plus
qu'alléchante la soirée Lost avec Kevin Saunderson et Mix Master Morris.
Oh bien sûr pas dans la même salle. La distorsion de l'espace et du
temps ne me permet pas d'être précis sur ce lieu, je crois bien que
c'est à l'Université sur Holloway Road. Bon ce n'est pas une usine, mais
ce n'est pas un club n'ont plus, plutôt un genre de théâtre.
Il y a des
stands de vente de fringues et de bouffe, des tatoués et percés en tout
genre, des marginaux, des sortes d'hippies punks. Qui sont-ils ? La
discussion apporte des réponses: les travellers. Ils vivent en marge de
la société, ce sont les enfants d'une politique ultra libérale, qui les à
mis à la rue, sans travail, ni aide. Ils se sont regroupés en tribus
nomades solidaires. C'est là que l'on nous parle des Spiral Tribe, ce
sound system itinérant organise des free parties, ils squattent des
lieux abandonnés et y balance les watts. Leur musique est très
expérimentale, une rythmique rapide et saccadée et des sons synthétiques
venus de l'espace. On est très loin de la House ou de la Techno que
l'on connait.
En after on découvre le marché de Camden
Town. On connaissait les anglais punks ou rastas, on les découvre tout
mélangé, comme si une culture commune marginale regroupait tous les
genres dans un style sale et méchant. Jusqu'à maintenant, on n'avait pas
perçu de message politique dans cette culture musicale, mais là ça
devenait évident. On était dans l'anarchie, on était dans la
désobéissance civile, on était dans la résistance au grand capital. On
était à l'opposé de la Villa et du Bocca avec leurs préoccupations de
p'tits bourgs.
Ce qui est flagrant à Londres c'est que
la pauvreté entraîne l'ennui, la violence et la drogue. C'est donc dans
tous les cas la même rengaine. La fête, le délire, l'énergie est
l'échappatoire d'une génération ouvrière a qui on ne laissera pas faire
sa place dans la société et qui se bat contre les salauds qui les
oppriment. L'autodestruction typique des jeunes paumés qui veulent vivre
fort et mourir vite, s'ils y arrivent. Les punks ne sont pas morts!
Mind
th Gap! Retour à Lille, à dix mille années lumière, la claque est
sourde et tenace. Nous avons découvert un nouvel aspect de ce mouvement
musical, des lieux et des personnes différentes donnent une autre
manière d’appréhender la House. Alors
on veut voir, on veut continuer à vivre ce mouvement hors les murs. Le
plus simple pour nous c'est Paris. Radio Fréquence Gay commence à parler
de raves en France. Des magasins de disques House ouvrent à la Bastille
comme BPM. Et c'est parti, en très peu de temps Paris se réveille, et
il y a des tonnes des teufs, de vraies raves dans des lieux formidables.
De vrais jeux de piste pour trouver le lieu.
Des voyages en bus ou
des rendez-vous sur des parkings, des usines grandes ou petites, des
champignonnières ou des sous-sols glauques, des entrepôts, des anciens
garages, des abbayes, des péniches, des dessous de ponts, des forêts,
des lacs, des boites!?!, des lieux improbables et indéfinissables, et
des arnaques bien sûrs. Transe, Techno, Hardcore, Goa, il y en a
tellement eu, on a pu faire nos plus beaux raves : l'arche de la
Défense, Mozinor, les Champignonnières, Fluozor, Adam X et Frankie Bones
à Asnières, Speedy J à l'île de la Jatte, l'after de Célébration dans
la serre à la Villette, Entrepôt Saint Maclou quai d'Austerlitz, les
abbayes de Montcelle et de Royaumont les Gaia 4 et 5, les TBE, et
l'incroyable Nostromo dans l'usine Citröen.
On est quai André Citroën devant l'usine
de désaffectée de la marque aux chevrons. Il y a un monde pas possible
pas de doute pour une fois c'est facile à trouver. De la rue l'usine me
semble bien grande, le son me semble bien fort, l'ambiance me semble
bien chaude. Quelle erreur, la grande usine que j'imaginais en voyant la
façade est en réalité gigantesque, ce que je pensais être sa longueur
était sa largeur. Mais il fallait bien cela car le centre de la pièce
de plusieurs hectares est le site d'une sorte de scène pyramidale
pharaonique, composée de murs d'enceintes monumentaux et surmontée d'un
laser bleu formant un ciel nuageux de science fiction. La pièce est si
grande que le laser n'est pas assez puissant pour porter jusqu'au bout.
L'ambiance y est survolté, c'est ce que j'aime le plus dans les raves,
il y a tellement de place dans les usines que l'on peut courir sur la
musique. La techno de Juan Atkins ou de Blake Baxter raconte un voyage
que l'on peut exprimer en consommant l'espace. Ici l'espace est tel
qu'il ne faut pas moins d'une demie heure pour faire le tour de la salle
en dansant. Formidable instant que le lever du soleil à travers les
sheds, 15 mètres plus haut. On a vécu un truc de malades, il a fallu
redescendre à la péniche rubis ou au pont de Tolbiac, je ne sais plus.
A
Lille les teufs étaient dans les forts militaires abandonnés ou dans
les usines. L'intérêt des forts c'est qu'ils se trouvent au milieu des
champs, donc pour le voisinage pas de problème de bruit. De plus ils
sont super jolis, avec leurs arbres sur les toits on est tout de suite
dans une ambiance irréelle. Ces forts sont tellement bien camouflés que
personne ne sait qu'ils existent même si l'on passe devant tous les
jours. Il faut mieux que cela soit discret parce qu'il est hors de
question d'organiser quoi que ce soit de légal à Lille, les politiques
d'ici sont de tels péquenauds qu'ils
ne laisseraient même pas un club digne de ce nom s'implanter. Ils sont
aveugles à la culture et ouvrent les parapluies de la sécurité en
faisant les gros yeux. La rave est dangereuse, techno égal drogue, la
fête est illégale, la techno le serait aussi si on pouvait. Alors ils
préfèrent que des milliers de jeunes traversent la Belgique dans tous
les sens, et se tuent sur les routes. Après tout c'est leur problème, et
ça c'est leur politique.
Le fort du vert galant de Verlinghem est
le plus souvent squatté. Facile d'accès, ces arches permettent de
protéger les platines de la pluie. Method Air est le premier événement
avec un vrai nom, Rudolph et Thomas en sont les organisateurs. Des
tribus se mettent en place: Elemental Tribe, les Désaxés, Dalaï Tribe,
Minimalist qui squattent les lieux à droite à gauche.
Rudolph nous propose d'organiser des teufs, c'est la naissance de notre tribu "les Interventions 3M". Pour ma part je suis un graphiste, je fais des flyers pour des boites donc ma partie était la com et la déco. J'ai participé à la conception de 4 raves 3M au fort d'Englos, 3M2 au fort de Seclin, Weird Braderie deux nuits dans les douves de la porte de Gand avec nos copains d'Elemental Tribe.
Rudolph nous propose d'organiser des teufs, c'est la naissance de notre tribu "les Interventions 3M". Pour ma part je suis un graphiste, je fais des flyers pour des boites donc ma partie était la com et la déco. J'ai participé à la conception de 4 raves 3M au fort d'Englos, 3M2 au fort de Seclin, Weird Braderie deux nuits dans les douves de la porte de Gand avec nos copains d'Elemental Tribe.
Pour 3M le rendez-vous des scotchés, on a
choisi une salle du fort d'Englos en sous-sol dans l'axe de l'entrée.
Une sorte de bunker rond sous terre avec des coursives latérales en
brique auquel on accède par une pente casse gueule en terre battue. Il y
a des pierres partout, on décide de tout virer et de peindre des logos
sur les murs. L'organisation se fait tant bien que mal, on ne peut pas
dire que ce soit facile et confortable. Mais le résultat est là, le
monde est présent, et ils sont contents. Bien sûr on nous demande la
suite, celle-ci est plus chaotique.
3M2 Laboratoire, est plus facile d'accès,
le fort de Seclin est plus grand, les salles choisies aussi. Un grand
rectangle avec une sorte de charpente improbable en plein milieu. Il y a
une autre pièce plus petite qui est gérée par Elemental Tribe.
Il y avait beaucoup de peuple, le
problème c'est que l'on n'avait pas anticipé tant de monde, il fallait
garer toute ces voitures rationnellement. Surtout que personne n'a envie
de faire ça. Alors on s'est laissé déborder, les ravers se sont garés
sur le chemin d'accès au fort et là c'est devenu déjà moins discret. La
gendarmerie était en déplacement pour gérer un accident pas très loin du
site. Ils ont vu les lumières des voitures sur le chemin, se sont
engagés eux-aussi et ont halluciné.
Ils
nous ont dit qu'ils nous avaient repérés vers 2 heures du mat, mais ils
n'ont pas osés entrée tout de suite. C'est sûr qu'une camionnette face à
500 jeunes déchaînés ça ne l'aurait pas fait. D'ailleurs, à l'entrée
ils m'ont demandé de les accompagner dans les lieux, ils n'en mènent pas
large. Est-ce que ces déglingués vont être violents, c'est surtout cela
qui les inquiétaient Ah ça, ils
se sont fait copieusement hués, sifflés et insultés, ce n'est pas si
simple d'arrêter une teuf . Surtout que ces gendarmes sont cool, ils ne
sortent pas les matraques et ne cassent rien. Il y en a même un qui me
dit qu'il sort souvent en Belgique, et que s'il n'avait pas été de garde
il serait bien venu avec nous ce soir. Le capitaine s'est déplacé pour
voir, un mec très paternaliste; "c'est pas bien les enfants, vous êtes
chez les militaires là, c'est pas très sérieux". En plus, il y a plein
de drogue, plein de gens qui travaille au black, et vous vendez de
l'alcool, c'est du vol de l'Etat ça. Aie, on est mal, dix chefs
d'accusation au cul, rendez-vous à la gendarmerie.
Ceci dit, c'était une super teuf, tout le
monde était ravi, l'ambiance était underground comme on les aime, et
c'est une découverte pour beaucoup de participants. Alors tout va bien.
Les seuls qui se sentent vraiment lésés
dans l'histoire c'est la Sacem, ils insistent pour que l'on paye la
déclaration fiscale. Comme si on se faisait de la tune sur ce genre de
teuf. En plus, tous les artistes diffusés ne verront jamais cet argent,
en fait on a payé Jean Jacques Goldman.
Bon okay, les militaires ne sont pas très
contents. Ils nous disent qu'en plus on a eu de la chance parce qu'ils
font des manoeuvres la semaine suivante dans le fort, et qu'ils auraient
bien aimé nous botter le cul. Mais c'est bon pour une fois bande de
bitos.
Le fisc nous a lâché, grâce à l'élection
présidentielle, l'amnestie de Chi Chi nous a permis d'économiser les 100
000 francs d'amende, on a bien choisie notre date.
Bon alors 3m3, on nous la demande souvent
celle-là, et on nous la demandera encore longtemps. Bon moi je passe à
autre chose, l'archi c'est bien aussi. On a tout de même fait un truc
sympa, avec les Elemental, pendant la braderie de Lille, il y a
toujours des sons un peu n'importe où. En général, pour nous c'est
plutôt au square du Boulevard Carnot. Mais cette fois l'idée est
d'investir les douves de la porte de Gand, grandiose. Super teuf 2 soirs
de suite, un truc genre 6000 ravers qui passent sur le site. Un petit
bout de teknival à Lille. Bon bien sûr avec nos moyens, très dur à
sonorisé, à l'éclairer, impossible à décorer. On s'est cassé la tête à
faire une boite conceptuelle, projetant des images, mais elle si petite
que personne ne s'arrête pour regarder. La seule déco visible c'est le
bar, et encore je ne suis pas sûr que les mecs qui se sont coursés et
ont tout explosé pour régler leurs comptes, on vu le bar.
Les raves sont difficiles à organiser
dans des bâtiments désaffectés, c'est trop facile pour les flics de
venir tout péter comme si c’était un kif du dimanche matin. La seule
alternative valable ce sont les tekos, dans la forêt ou dans les champs.
Les Spiral Tribe ont fait des adeptes partout dans le monde, et ça ce
n'est pas près de s'arrêter. Seul problème à mon goût, c'est que la free
party est toujours basée sur un seul style musical, et pas sur
plusieurs courants, alors on est vite dans la monotonie rythmique, sur
la longueur il y a des longueurs.
Alors bien sûr, il y a toujours les
clubs. Je me souviendrai toujours comment les soirées Wake Up au Rex
m'ont toujours réconcilié avec le monde.
Last night DJ save my life. Merci Lolo.
Et il y a aussi les parades que ce soit à
Paris, Zurich, Londres ou bien sûr Berlin, ces événements sont une
source de joie dans les vies mornes de nos ville grises. Le plus beau
carnaval européen (avec celui de Dunkerque) c'est bien sûr la Love
Parade. Surtout au début des années nonantes, quand cela était à échelle
humaine, quand il y avait de la place pour danser. Lorsque la Love
Parade était en pleine ville, sous les arbres des boulevards berlinois,
et qu'il faisait si beau que tout le monde jouait avec des pistolets à
eau.
Les filles sont belles et les garçons
sexys, les styles se mélangent dans un brain storming géant de ce que
pourrait être la coiffure du futur.
On est jamais prophète en son pays, alors est arrivé de l'étranger la French Touch. Si, si, on vous assure que vos p'tits gars ils assurent. Vous plaisantez, des français qui vendent des disques à l'étranger; et pas à des expatriés! Ce n'était (presque) jamais arrivé! Et voilà comment après une décennie de galère la France accepta enfin que ce mouvement culturel soit pris au sérieux; on pouvait enfin faire la fête sérieusement... En plus on était champions du monde de football, il y a des moments qui laissent ravers!
4 - AT THE VILLA
La nationale 50, entre Tournai et Courtrai, route mythique des boites, on y trouve tous les styles de musiques, toutes les tailles de boites. Cela va du plus gros la Bush, au plus petit le Campus à côté de Saint Luc, en passant par le Show Boat, le New Sparta et sa baraque à frites, j'en passe. Cette route est comme la rue de la soif à Courtrai, mais en plus grand, on passe de l'un à l'autre en faisant les cons, voire en se faisant virer.
Plastic dreams
Tout ça c'est bien sympa, mais ce n'est pas très pointu. Non, la N50 c'est surtout, et très loin devant tous les autres la Villa. Perdue au milieu des champs, un peu avant Courtrai, une petit maison blanche avec un toit de chaume noir. Une terrasse, une véranda, et rien d'autre, rien qui pourrait laisser penser qu'il s'agit d'un lieu, un vrai, une légende.
Suburban Knight
Le seul indice ce sont les files de voitures garées de chaque côté de la route sur des centaines de mètres. Je me suis toujours demandé comment on pouvait faire entrer autant de monde dans une si petite bicoque. Heureusement, la taille de la maison ne se ressent pas tellement à l'intérieur. Ok, c'est bien souvent bourré massacre, mais il y a tout de même de la place pour squatter, surtout des canapés bien confortables. Ces canaps sont importants, surtout si on reste jusqu'au dimanche en fin d'après-midi.
The house of God
La maison est divisée en deux parties à peu près égales. Une piste de danse en double hauteur, blanc et miroir, des plots pour se montrer. Un grand linéaire de bar, en partie derrière une vitre qui atténue le bruit de la musique. Johan et Phi Phi sont les rois de la house, mi belge, mi américaine. Ce sont bien souvent des morceaux progressifs qui tournent, des ambiances tribales, des bruits d'orage, des mélodies tristes.
You've got to believe in something. Why not believe in me?
Les nuits de la Villa sont plus belles que vos jours. C'est du moins ce que pensent les aficionados pour la plupart des anciens skyliners. On trouve ici le même sentiment qu'au Sky, il y a une âme qui se dégage du lieu, une fierté d'être ces chanceux qui peuvent entrer. Ce n'est d'ailleurs pas toujours évident, car les videurs sont de sales blancs bien racistes. D'ailleurs, Il y a un truc un peu snob dans cette boîte, une impression que tout le monde se la pète.
Dominator. I wanna kiss myself.
Dommage, la coco pousse les blaireaux à se croire intelligents, les physiques normaux à se croire irrésistibles et tout ce petit monde peut être fort désagréable. C'est fou, ce que l'on peut dire comme conneries lorsque tout est plaisir. Ce qui est dit la nuit ne voit pas le jour. Tout le monde le sait, pourtant cela n'empêche personne de se la ramener. Le bar est le lieu des conversations les plus fantaisistes, puisque personne n'a rien d’intéressant à dire et pourtant n'arrête pas de parler. Les plus marrantes sont les joutes verbales d'une X face à un Coco. Le coq agressif sûr de lui, gonflant au possible, emballe la petite poupoule au sourire béat, elle boit ses palabres sans rien y comprendre.
E motion.
La seule chose compréhensible de tous est la drague matérialiste, qu'est ce tu me donnes en échange d'amour. Ici, on chasse à la pilule On est très, très loin de l'érotisme du Sky, le sida a fait des ravages. Le sex est mort, vive la défonce; bon le sex est toujours derrière tout ça, mais le vrai plaisir c'est l'évasion. La frime, la piteuse envie de donner envie. Ibiza sur la Lys, ah petites têtes blondes décérébrées, vous êtes tout de même fort attendrissantes. La tristesse est toujours perceptible dans les lieux de débauche, elle s'y exprime ou s'y oublie. Les lieux sulfureux ne sont pas la cause première de la tristesse, mais ils en sont le terrain de jeu, le laboratoire, le bouillon de culture.
Bad Trip.
Jeudi au Chéops, Vendredi au Cherry Moon, Samedi à la Villa, Dimanche matin au Balmoral, Dimanche au Café d'Anvers. Sex, Drugs and House n Roll...
This is a Razzia.
Cette nuit-là à la Villa, le chef de la police belge a un béret vert, de grosses moustaches noires, moi j'ai cru à un gag. "Tiens, voilà Saddam Hussein, mais qu'est-ce qu'il fout là?" On nous dit que le risque est la fermeture du club, ça ne m'étonne pas. Le Bocca et l'Extreme ont fermé depuis peu, le gouvernement fait la chasse à la drogue. Les années de tolérance se terminent, sans doute le phénomène était-il devenu trop gros. La jeunesse sombrait un peu trop facilement dans le piège de l'extasy. Cette drogue a deux facettes, au début elle est amicale, souriante, festive; puis c'est le plongeon dans la tristesse, le mal de vivre voire le néant. Plus on est accro, plus on en a besoin pour se sentir bien; on se dérègle petit à petit, on va de plus en plus mal. Alors il faut se défoncer pour être de nouveau bien, il faut prendre d'autres drogues pour retrouver l'énergie originelle, celle qui, il y a quelques années, ne nous quittait jamais. Mais c'est peine perdue, le corps s’abîme, l'esprit n'est plus tranquille, les descentes sont de plus en plus longues et profondes.
On a le
temps de cogiter à tout ça pendant que long attend que la police nous
fouille. Ils nous font mariner, ça leur fait bien marrer de voir la peur
et les regards blafards des gamins qui commencent à descendre de leur
nuage.
La boite ne fermera pas, ils n'ont pas trouvé tant de drogues que cela. Mort de rire, la drogue était bien cachée dans le sang des convives, ou jetée dans la cuvette des chiottes. Quelle belle hypocrisie, allez la Villa est tout de même inquiétée, la raison est que le son va beaucoup trop fort pour nos pauvres oreilles de chérubins. Alors là, c'est une surprise, tout ce déploiement de flics à 4h00 du mat pour ça! Ma première impression était la bonne, c'est une histoire belge... Il y en a plus d'un qui se sont chiés dessus. Bon, maintenant il y aura en permanence le niveau des décibels indiqué derrière le DJ. Cela n'empêche pas mes oreilles de siffler en rentrant.
Mister Kirk. Your son is dead. AAO He died of an overdose.
3 - Fifty Five n Boccaccio Life
Après la fermeture du Sky nous sommes un peu désorientés. Nous avons, il est vrai, déjà testé d'autres lieux en parallèle du Sky, comme le Fifty Five, le 37.5, le Boccaccio, mais nous n'imaginions pas devenir des habitués de ces lieux.
Alors nous avons décidé d'être des habitués de tous les lieux intéressants, nous sommes devenus des Belgium Road Trotters.
Avec
mes meilleurs amis, pour ainsi dire mes frères. Antoine, DJ Anton
Martin dit Tonio, Crâo ou Tarzan à cause de ses longs cheveux. DJ par
vocation et par feeling. François dit Franzois ou Willy, fêtard et
impeccable designer. Thierry dit T, ou black, toujours là pour danser,
et pour tout le reste. Nous allons en faire des kilomètres pour vibrer
au son de la House. Avec tous les autres, qu'il serait trop long de
citer; ces amis de toujours, ces rencontres superficielles mais bien
agréables ou ces amitiés intenses mais parfois éphémères; la faune de la
nuit se reconnaîtra sans doute dans cette description.
Le Fifty Five à Kuurne est pour moi le lieu de 1990. C'est une ancienne fabrique de je ne sais quoi; c'est la première fois que je fais la fête dans une usine (il y en aura beaucoup d'autres). Dès l'entrée, la volumétrie est intéressante, le bar est au rez, tout en longueur, il fait face à des niveaux où l'on peut squatter et des escaliers qui montent vers le dance floor 5 mètres plus haut. Cet espace semble être en diagonal, on y a une vision en contre plongée sur les danseurs. Le grand volume principal ressemble à un cube, d'une quinzaine de mètres de côtés. C'est très sombre, tout est peint en noir, et les strombos sont surpuissants.
Tous les vendredis soirées On the Beach, la programmation y est tournée vers le passé récent : la Cold Wave, l'Indus, la New Wave. Ce même genre que l'on écoute également au 37.5. Le samedi c'est Techno avec Jan V, dans le même esprit mélancolique et industriel que la veille. C'est là que j'ai écouté la première fois Underground Resistance, mariage incroyable du Jazz et de la House.
D'autres bombes comme Dream Frequency, Home Boy Hippy and Funky Dread, nous apprennent qu'en Angleterre ils font des raves. Première fois qu'on entend ça, au début, d'ailleurs on nous parle de James, Stone Roses, Primal Scream, the Charlatans de la Pop anglaise quoi. Puis on apprend vite que le mouvement est totalement dingue là-bas. En particulier parce que les clubs ferment tellement tôt que les soirées s'improvisent un peu partout.
C'est donc ça les raves, des teufs dans des lieux désaffectés, parce qu'on ne peut pas faire ça ailleurs. C'est sûr, ça ne risque pas d'exister en Belgique, vu qu'ici on a le droit de faire la fête partout et jusqu'à n'importe quelle heure.
La preuve le Boccaccio Life à Destelbergen dans les faubourgs de Gand, c'est l'hyper discothèque, une sorte de centre commercial Carrefour vu de loin. Sortie directe de l'autoroute, énorme parking, bâtiment type entrepôt de logistique; on est à mille lieux du Sky et son ambiance bourgeoise. Mais le club cache bien son jeu, l'intérieur est beaucoup plus clinquant, limite bling bling pour l'époque. Le style est clairement inspiré des années septantes, strass et paillettes disco façon Studio 54, miroirs et grands escaliers, lights dans tous les sens, ça sent le fric à l'italienne.
Boccaccio signifie carrefour en italien, ce lieu porte bien son nom, il y a beaucoup d'Italiens avec leurs Ferrari garées devant l'entrée, mais aussi des français, anglais, néerlandais, allemands et beaucoup de dope. C'est la première fois que j'en vois autant, c'est la folie non dissimulée.
Les lights sont omniprésentes et très belles, le sound system est incroyable, le son est quadriphonique, ils tournent autour des danseurs, enfin seulement quand les morceaux sont prévus pour. Je ne sais pas combien de milliers de personnes remplissent ce lieu, mais c'est certain que l'on est dans un phénomène de masse.
In the beginning, there was Jack, and Jack had a groove.
And from this groove came the groove of all grooves.
And while one day viciously throwing down on his box, Jack boldy declared,
'Let there be house!' and house music was born.
I am, you see,
I am the creator, and this is my house!
And, in my house there is only house music. But, I am not so
selfish because once you enter my house it then becomes OUR house and
OUR house music!' And, you see, no one can own house because
house music is a universal language, spoken and understood by all.
You see, house is a feeling that no one can understand really unless
you're deep into the vibe of house. House is an uncontrollable
desire to jack your body. And, as I told you before, this is
our house and our house music. And in every house, you
understand, there is a keeper. And, in this house, the keeper
is Jack. Now some of you who might wonder.
Who is Jack, and what is it that Jack does?
Jack is the one who gives you the power to jack your body!
Jack is the one who gives you the power to do the snake.
Jack is the one who gives you the key to the wiggly worm.
Jack is the one who learns you how to walk your body.
Jack is the one that can bring nations and nations of all
Jackers together under one house.
You may be black, you may be white; you may be Jew or Gentile.
It don't make difference in our House.
And this is fresh!
Can you feel it?
House is turn me up!
LET THERE BE HOUSE!
Larry Heard aka MR. Fingers 1987
Et voilà, la messe est dite, je suis marqué au fer rouge. J'ai senti, j'ai vibré, j'ai vu ce que je ne pensais pas voir, la transe, le lien avec l'autre, autrement. L'expérience du dance hall est une passion dévorante. Le clubbing, cocktail savant de lieux, de musiques, de lumières, de danse et d'une faune nocturne; le clubbing donne le plaisir de se sentir vivant, et vivre pour faire la fête. La boucle est bouclée. La nuit tous les yeux de chat brillent, le temps n'agit pas vraiment sur nous. Le temps de la nuit c'est du bonus, c'est le dessert, c'est la surprise.
Fin et début de semaine, bien plus important que la semaine. Tout comme les vacances dans notre vie, ce sont ces moments, cet éphémère que l'on préfère. Enfin, lorsque l'on n'est pas attaché au matériel. Je pense être attaché au présent, à ma génération, au monde lorsqu'il cherche le sublime. Toutes ces choses nous font penser que les humains sont formidables. Nous sommes formidables, lorsque nous sommes décidés à l'être ensemble.
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