Après la fermeture
du Sky nous sommes un peu désorientés. Nous avons, il est vrai, déjà
testé d'autres lieux en parallèle du Sky, comme le Fifty Five, le 37.5,
le Boccaccio, mais nous n'imaginions pas devenir des habitués de ces
lieux.
Alors nous avons décidé d'être des habitués de tous les lieux intéressants, nous sommes devenus des Belgium Road Trotters.
Avec
mes meilleurs amis, pour ainsi dire mes frères. Antoine, DJ Anton
Martin dit Tonio, Crâo ou Tarzan à cause de ses longs cheveux. DJ par
vocation et par feeling. François dit Franzois ou Willy, fêtard et
impeccable designer. Thierry dit T, ou black, toujours là pour danser,
et pour tout le reste. Nous allons en faire des kilomètres pour vibrer
au son de la House. Avec tous les autres, qu'il serait trop long de
citer; ces amis de toujours, ces rencontres superficielles mais bien
agréables ou ces amitiés intenses mais parfois éphémères; la faune de la
nuit se reconnaîtra sans doute dans cette description.
Le Fifty Five à
Kuurne est pour moi le lieu de 1990. C'est une ancienne fabrique de je
ne sais quoi; c'est la première fois que je fais la fête dans une usine
(il y en aura beaucoup d'autres). Dès l'entrée, la volumétrie est
intéressante, le bar est au rez, tout en longueur, il fait face à des
niveaux où l'on peut squatter et des escaliers qui montent vers le dance
floor 5 mètres plus haut. Cet espace semble être en diagonal, on y a
une vision en contre plongée sur les danseurs. Le grand volume
principal ressemble à un cube, d'une quinzaine de mètres de côtés. C'est
très sombre, tout est peint en noir, et les strombos sont surpuissants.
Tous les vendredis
soirées On the Beach, la programmation y est tournée vers le passé
récent : la Cold Wave, l'Indus, la New Wave. Ce même genre que l'on
écoute également au 37.5. Le samedi c'est Techno avec Jan V, dans le
même esprit mélancolique et industriel que la veille. C'est là que j'ai
écouté la première fois Underground Resistance, mariage incroyable du Jazz et de la House.
D'autres bombes
comme Dream Frequency, Home Boy Hippy and Funky Dread, nous apprennent
qu'en Angleterre ils font des raves. Première fois qu'on entend ça, au
début, d'ailleurs on nous parle de James, Stone Roses, Primal Scream,
the Charlatans de la Pop anglaise quoi. Puis on apprend vite que le
mouvement est totalement dingue là-bas. En particulier parce que les
clubs ferment tellement tôt que les soirées s'improvisent un peu
partout.
C'est donc ça les
raves, des teufs dans des lieux désaffectés, parce qu'on ne peut pas
faire ça ailleurs. C'est sûr, ça ne risque pas d'exister en Belgique, vu
qu'ici on a le droit de faire la fête partout et jusqu'à n'importe
quelle heure.
La preuve le
Boccaccio Life à Destelbergen dans les faubourgs de Gand, c'est l'hyper
discothèque, une sorte de centre commercial Carrefour vu de loin. Sortie
directe de l'autoroute, énorme parking, bâtiment type entrepôt de
logistique; on est à mille lieux du Sky et son ambiance bourgeoise. Mais
le club cache bien son jeu, l'intérieur est beaucoup plus clinquant,
limite bling bling pour l'époque. Le style est clairement inspiré des
années septantes, strass et paillettes disco façon Studio 54, miroirs et
grands escaliers, lights dans tous les sens, ça sent le fric à
l'italienne.
Boccaccio
signifie carrefour en italien, ce lieu porte bien son nom, il y a
beaucoup d'Italiens avec leurs Ferrari garées devant l'entrée, mais
aussi des français, anglais, néerlandais, allemands et beaucoup de dope.
C'est la première fois que j'en vois autant, c'est la folie non
dissimulée.
Les
lights sont omniprésentes et très belles, le sound system est
incroyable, le son est quadriphonique, ils tournent autour des danseurs,
enfin seulement quand les morceaux sont prévus pour. Je ne sais pas
combien de milliers de personnes remplissent ce lieu, mais c'est certain
que l'on est dans un phénomène de masse.
In the beginning, there was Jack, and Jack had a groove.
And from this groove came the groove of all grooves.
And while one day viciously throwing down on his box, Jack boldy declared,
'Let there be house!' and house music was born.
I am, you see,
I am the creator, and this is my house!
And, in my house there is only house music. But, I am not so
selfish because once you enter my house it then becomes OUR house and
OUR house music!' And, you see, no one can own house because
house music is a universal language, spoken and understood by all.
You see, house is a feeling that no one can understand really unless
you're deep into the vibe of house. House is an uncontrollable
desire to jack your body. And, as I told you before, this is
our house and our house music. And in every house, you
understand, there is a keeper. And, in this house, the keeper
is Jack. Now some of you who might wonder.
Who is Jack, and what is it that Jack does?
Jack is the one who gives you the power to jack your body!
Jack is the one who gives you the power to do the snake.
Jack is the one who gives you the key to the wiggly worm.
Jack is the one who learns you how to walk your body.
Jack is the one that can bring nations and nations of all
Jackers together under one house.
You may be black, you may be white; you may be Jew or Gentile.
It don't make difference in our House.
And this is fresh!
Can you feel it?
House is turn me up!
LET THERE BE HOUSE!
Larry Heard aka MR. Fingers 1987
Et
voilà, la messe est dite, je suis marqué au fer rouge. J'ai senti, j'ai
vibré, j'ai vu ce que je ne pensais pas voir, la transe, le lien avec
l'autre, autrement. L'expérience du dance hall est
une passion dévorante. Le clubbing, cocktail savant de lieux, de
musiques, de lumières, de danse et d'une faune nocturne; le clubbing
donne le plaisir de se sentir vivant, et vivre pour faire la fête. La
boucle est bouclée. La nuit tous les yeux de chat brillent, le temps
n'agit pas vraiment sur nous. Le temps de la nuit c'est du bonus, c'est
le dessert, c'est la surprise.
Fin
et début de semaine, bien plus important que la semaine. Tout comme les
vacances dans notre vie, ce sont ces moments, cet éphémère que l'on
préfère. Enfin, lorsque l'on n'est pas attaché au matériel. Je pense
être attaché au présent, à ma génération, au monde lorsqu'il cherche le
sublime. Toutes ces choses nous font penser que les humains sont
formidables. Nous sommes formidables, lorsque nous sommes décidés à
l'être ensemble.
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