mercredi 15 avril 2015

5 1991 1998 RAVES PARTIES



Puisque c'est à Londres que ça se passe, allons voir !

A Londres, des teufs il y en a plein, des magasins de skeuds aussi, genre Black Market, Unity, Rough Trade à Soho. Le break beat, c'est une surprise; un rythme ternaire très lourd, une autre façon de danser pour nous qui sommes habitués au rythme binaire. Les MC's, les masters of ceremony autre surprise, ça aussi on ne connait pas chez nous. On aurait plutôt tendance à les huer. Ils toastent, ils parlent quoi, ce n'est pas vraiment du rap, et ce n'est pas de la chanson non plus. Ils encouragent la foule à lever les mains, à taper dans les mains, chez nous ça ferait blaireau, mais là ça marche. Ils faut dire que les anglais sont de grands malades, niveau énergie dépenser sur le dance floor on n'avait encore jamais vu ça. Leur danse est entre le pogo et le jogging. Leurs habits sont entre le punk et le jogging, leur attitude est entre la bagarre et le jogging. Londres est une ville sportive !




De Londres je connaissais ce que l'on peut y faire quand on vient en voyage touristique d'ado. Déjà ça c'est chouette et dépaysant. Mais là on a laissé tomber les musées et autres circuits touristiques.




Le premier monument que l'on voulu visité c'est Battersea Power. La fameuse usine de la pochette du disque Animals de Pink Floyd . Quatre énormes et magnifiques cheminées couronnent les toits de Londres. Les usines sont vraiment dans l'air du temps, car la techno se réfère souvent aux machines, aux engrenages, à la crise industrielles. Depuis gosses, on a toujours aimé visiter les usines désaffectées du quartier. Ces lieux énormes, détruits et vides sont des terrains de jeux hors du monde où l'imaginaire se déploie.  Mais on ne s'imaginait encore y faire la fête. A Battersea il y a eu des teufs, on y voit les restes des graphs ou des panneaux indiquant la direction du bar. On est tout de même fort surpris parce qu'il n'y a pas de toit à ce bâtiment, et le sol est boueux, déception. On va ensuite dans les docks faire le plein d'architecture indus crasseuse et rouillée, on est ravis et surexcités par la nuit qui s'approche.




A Londres on fait la fête dans les usines, mais on n'a pas été foutus d'en trouver une. Par contre on est tombé sur une affiche plus qu'alléchante la soirée Lost avec Kevin Saunderson et Mix Master Morris. Oh bien sûr pas dans la même salle. La distorsion de l'espace et du temps ne me permet pas d'être précis sur ce lieu, je crois bien que c'est à l'Université sur Holloway Road. Bon ce n'est pas une usine, mais ce n'est pas un club n'ont plus, plutôt un genre de théâtre.




Il y a des stands de vente de fringues et de bouffe, des tatoués et percés en tout genre, des marginaux, des sortes d'hippies punks. Qui sont-ils ? La discussion apporte des réponses: les travellers. Ils vivent en marge de la société, ce sont les enfants d'une politique ultra libérale, qui les à mis à la rue, sans travail, ni aide. Ils se sont regroupés en tribus nomades solidaires. C'est là que l'on nous parle des Spiral Tribe, ce sound system itinérant organise des free parties, ils squattent des lieux abandonnés et y balance les watts. Leur musique est très expérimentale, une rythmique rapide et saccadée et des sons synthétiques venus de l'espace. On est très loin de la House ou de la Techno que l'on connait.




En after on découvre le marché de Camden Town. On connaissait les anglais punks ou rastas, on les découvre tout mélangé, comme si une culture commune marginale regroupait tous les genres dans un style sale et méchant. Jusqu'à maintenant, on n'avait pas perçu de message politique dans cette culture musicale, mais là ça devenait évident. On était dans l'anarchie, on était dans la désobéissance civile, on était dans la résistance au grand capital. On était à l'opposé de la Villa et du Bocca avec leurs préoccupations de p'tits bourgs. 
Ce qui est flagrant à Londres c'est que la pauvreté entraîne l'ennui, la violence et la drogue. C'est donc dans tous les cas la même rengaine. La fête, le délire, l'énergie est l'échappatoire d'une génération ouvrière a qui on ne laissera pas faire sa place dans la société et qui se bat contre les salauds qui les oppriment. L'autodestruction typique des jeunes paumés qui veulent vivre fort et mourir vite, s'ils y arrivent. Les punks ne sont pas morts!




Mind th Gap! Retour à Lille, à dix mille années lumière, la claque est sourde et tenace. Nous avons découvert un nouvel aspect de ce mouvement musical, des lieux et des personnes différentes donnent une autre manière d’appréhender la House.  Alors on veut voir, on veut continuer à vivre ce mouvement hors les murs. Le plus simple pour nous c'est Paris. Radio Fréquence Gay commence à parler de raves en France. Des magasins de disques House ouvrent à la Bastille comme BPM. Et c'est parti, en très peu de temps Paris se réveille, et il y a des tonnes des teufs, de vraies raves dans des lieux formidables. De vrais jeux de piste pour trouver le lieu.




Des voyages en bus ou des rendez-vous sur des parkings, des usines grandes ou petites, des champignonnières ou des sous-sols glauques, des entrepôts, des anciens garages, des abbayes, des péniches, des dessous de ponts, des forêts, des lacs, des boites!?!, des lieux improbables et indéfinissables, et des arnaques bien sûrs. Transe, Techno, Hardcore, Goa, il y en a tellement eu, on a pu faire nos plus beaux raves : l'arche de la Défense, Mozinor, les Champignonnières, Fluozor, Adam X et Frankie Bones à Asnières, Speedy J à l'île de la Jatte, l'after de Célébration dans la serre à la Villette, Entrepôt Saint Maclou quai d'Austerlitz, les abbayes de Montcelle et de Royaumont les Gaia 4 et 5, les TBE, et l'incroyable Nostromo dans l'usine Citröen.




On est quai André Citroën devant l'usine de désaffectée de la marque aux chevrons. Il y a un monde pas possible pas de doute pour une fois c'est facile à trouver. De la rue l'usine me semble bien grande, le son me semble bien fort, l'ambiance me semble bien chaude. Quelle erreur, la grande usine que j'imaginais en voyant la façade est en réalité gigantesque, ce que je pensais être sa longueur était sa largeur. Mais il fallait bien cela car le centre de la pièce de plusieurs hectares est le site d'une sorte de scène pyramidale pharaonique, composée de murs d'enceintes monumentaux et surmontée d'un laser bleu formant un ciel nuageux de science fiction. La pièce est si grande que le laser n'est pas assez puissant pour porter jusqu'au bout. L'ambiance y est survolté, c'est ce que j'aime le plus dans les raves, il y a tellement de place dans les usines que l'on peut courir sur la musique. La techno de Juan Atkins ou de Blake Baxter raconte un voyage que l'on peut exprimer en consommant l'espace. Ici l'espace est tel qu'il ne faut pas moins d'une demie heure pour faire le tour de la salle en dansant. Formidable instant que le lever du soleil à travers les sheds, 15 mètres plus haut. On a vécu un truc de malades, il a fallu redescendre à la péniche rubis ou au pont de Tolbiac, je ne sais plus.




A Lille les teufs étaient  dans les forts militaires abandonnés ou dans les usines. L'intérêt des forts c'est qu'ils se trouvent au milieu des champs, donc pour le voisinage pas de problème de bruit. De plus ils sont super jolis, avec leurs arbres sur les toits on est tout de suite dans une ambiance irréelle. Ces forts sont tellement bien camouflés que personne ne sait qu'ils existent même si l'on passe devant tous les jours. Il faut mieux que cela soit discret parce qu'il est hors de question d'organiser quoi que ce soit de légal à Lille, les politiques d'ici sont de tels péquenauds qu'ils ne laisseraient même pas un club digne de ce nom s'implanter. Ils sont aveugles à la culture et ouvrent les parapluies de la sécurité en faisant les gros yeux. La rave est dangereuse, techno égal drogue, la fête est illégale, la techno le serait aussi si on pouvait. Alors ils préfèrent que des milliers de jeunes traversent la Belgique dans tous les sens, et se tuent sur les routes. Après tout c'est leur problème, et ça c'est leur politique.




Le fort du vert galant de Verlinghem est le plus souvent squatté. Facile d'accès, ces arches permettent de protéger les platines de la pluie. Method Air est le premier événement avec un vrai nom, Rudolph et Thomas en sont les organisateurs. Des tribus se mettent en place: Elemental Tribe, les Désaxés, Dalaï Tribe, Minimalist qui squattent les lieux à droite à gauche.



Rudolph nous propose d'organiser des teufs, c'est la naissance de notre tribu "les Interventions 3M". Pour ma part je suis un graphiste, je fais des flyers pour des boites donc ma partie était la com et la déco. J'ai participé à la conception de 4 raves 3M au fort d'Englos, 3M2 au fort de Seclin, Weird Braderie deux nuits dans les douves de la porte de Gand avec nos copains d'Elemental Tribe.




Pour 3M le rendez-vous des scotchés, on a choisi une salle du fort d'Englos en sous-sol dans l'axe de l'entrée. Une sorte de bunker rond sous terre avec des coursives latérales en brique auquel on accède par une pente casse gueule en terre battue. Il y a des pierres partout, on décide de tout virer et de peindre des logos sur les murs. L'organisation se fait tant bien que mal, on ne peut pas dire que ce soit facile et confortable. Mais le résultat est là, le monde est présent, et ils sont contents. Bien sûr on nous demande la suite, celle-ci est plus chaotique.




3M2 Laboratoire, est plus facile d'accès, le fort de Seclin est plus grand, les salles choisies aussi. Un grand rectangle avec une sorte de charpente improbable en plein milieu. Il y a une autre pièce plus petite qui est gérée par Elemental Tribe.




Il y avait beaucoup de peuple, le problème c'est que l'on n'avait pas anticipé tant de monde, il fallait garer toute ces voitures rationnellement. Surtout que personne n'a envie de faire ça. Alors on s'est laissé déborder, les ravers se sont garés sur le chemin d'accès au fort et là c'est devenu déjà moins discret. La gendarmerie était en déplacement pour gérer un accident pas très loin du site. Ils ont vu les lumières des voitures sur le chemin, se sont engagés eux-aussi et ont halluciné.



Chef, chef on a trouvé des rats verts!




Ils nous ont dit qu'ils nous avaient repérés vers 2 heures du mat, mais ils n'ont pas osés entrée tout de suite. C'est sûr qu'une camionnette face à 500 jeunes déchaînés ça ne l'aurait pas fait. D'ailleurs, à l'entrée ils m'ont demandé de les accompagner dans les lieux, ils n'en mènent pas large. Est-ce que ces déglingués vont être violents, c'est surtout cela qui les inquiétaient  Ah ça, ils se sont fait copieusement hués, sifflés et insultés, ce n'est pas si simple d'arrêter une teuf . Surtout que ces gendarmes sont cool, ils ne sortent pas les matraques et ne cassent rien. Il y en a même un qui me dit qu'il sort souvent en Belgique, et que s'il n'avait pas été de garde il serait bien venu avec nous ce soir. Le capitaine s'est déplacé pour voir, un mec très paternaliste; "c'est pas bien les enfants, vous êtes chez les militaires là, c'est pas très sérieux". En plus, il y a plein de drogue, plein de gens qui travaille au black, et vous vendez de l'alcool, c'est du vol de l'Etat ça. Aie, on est mal, dix chefs d'accusation au cul, rendez-vous à la gendarmerie.




Ceci dit, c'était une super teuf, tout le monde était ravi, l'ambiance était underground comme on les aime, et c'est une découverte pour beaucoup de participants. Alors tout va bien.
Les seuls qui se sentent vraiment lésés dans l'histoire c'est la Sacem, ils insistent pour que l'on paye la déclaration fiscale. Comme si on se faisait de la tune sur ce genre de teuf. En plus, tous les artistes diffusés ne verront jamais cet argent, en fait on a payé Jean Jacques Goldman.
Bon okay, les militaires ne sont pas très contents. Ils nous disent qu'en plus on a eu de la chance parce qu'ils font des manoeuvres la semaine suivante dans le fort, et qu'ils auraient bien aimé nous botter le cul. Mais c'est bon pour une fois bande de bitos.
Le fisc nous a lâché, grâce à l'élection présidentielle, l'amnestie de Chi Chi nous a permis d'économiser les 100 000 francs d'amende, on a bien choisie notre date.



Bon alors 3m3, on nous la demande souvent celle-là, et on nous la demandera encore longtemps. Bon moi je passe à autre chose, l'archi c'est bien aussi. On a tout de même fait un truc sympa, avec les Elemental, pendant la braderie de Lille, il y a toujours des sons un peu n'importe où. En général, pour nous c'est plutôt au square du Boulevard Carnot. Mais cette fois l'idée est d'investir les douves de la porte de Gand, grandiose. Super teuf 2 soirs de suite, un truc genre 6000 ravers qui passent sur le site. Un petit bout de teknival à Lille. Bon bien sûr avec nos moyens, très dur à sonorisé, à l'éclairer, impossible à décorer. On s'est cassé la tête à faire une boite conceptuelle, projetant des images, mais elle si petite que personne ne s'arrête pour regarder. La seule déco visible c'est le bar, et encore je ne suis pas sûr que les mecs qui se sont coursés et ont tout explosé pour régler leurs comptes,  on vu le bar.




Les raves sont difficiles à organiser dans des bâtiments désaffectés, c'est trop facile pour les flics de venir tout péter comme si c’était un kif du dimanche matin. La seule alternative valable ce sont les tekos, dans la forêt ou dans les champs. Les Spiral Tribe ont fait des adeptes partout dans le monde, et ça ce n'est pas près de s'arrêter. Seul problème à mon goût, c'est que la free party est toujours basée sur un seul style musical, et pas sur plusieurs courants, alors on est vite dans la monotonie rythmique, sur la longueur il y a des longueurs.
Alors bien sûr, il y a toujours les clubs. Je me souviendrai toujours comment les soirées Wake Up au Rex m'ont toujours réconcilié avec le monde. 



Last night DJ save my life. Merci Lolo.

Et il y a aussi les parades que ce soit à Paris, Zurich, Londres ou bien sûr Berlin, ces événements sont une source de joie dans les vies mornes de nos ville grises. Le plus beau carnaval européen (avec celui de Dunkerque) c'est bien sûr la Love Parade. Surtout au début des années nonantes, quand cela était à échelle humaine, quand il y avait de la place pour danser. Lorsque la Love Parade était en pleine ville, sous les arbres des boulevards berlinois, et qu'il faisait si beau que tout le monde jouait avec des pistolets à eau. 




Les filles sont belles et les garçons sexys, les styles se mélangent dans un brain storming géant de ce que pourrait être la coiffure du futur.

L'Est et L'Ouest se rejoignent est célèbrent la réunification de l'Allemagne, chute du mur, des temps moins pesant. Il faut dire que Berlin est à la fois une ville figée et dynamique. Le quartier Kreuzberg vient de se faire bombarder en 1945. Les squattent se déploient dans les immeubles déchirés par le guerre. Les mitraillettes ont lacérées les façades des immeubles, et rien n'a été réparé.  Mais c'est aussi une ville en chantier, avec un devenir ultramoderne, entre des architectures typiquement soviétiques, rigides et cheap, des terrains vagues, et des architectures typiquement bourgeoises, rigides et riches. C'est dans ce décor que la jeunesse allemande se réunie, par centaine de milliers, alors qu'en France dans le même temps le débat est de savoir s'il faut interdire au jeune d'écouter autre chose que de la chanson française. On se rend bien compte que la France a peur de son ombre, et qu'elle est bien triste et bien mal fichue. Comme disent les Anglais, la France est magnifique, c'est bien dommage qu'elle soit habitée par les français.




On est jamais prophète en son pays, alors est arrivé de l'étranger la French Touch. Si, si, on vous assure que vos p'tits gars ils assurent. Vous plaisantez, des français qui vendent des disques à l'étranger; et pas à des expatriés! Ce n'était (presque) jamais arrivé! Et voilà comment après une décennie de galère la France accepta enfin que ce mouvement culturel soit pris au sérieux; on pouvait enfin faire la fête sérieusement... En plus on était champions du monde de football, il y a des moments qui laissent ravers!


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